Résumé :
|
C'est une famille dans laquelle on est sorcière de mère en fille. La grand-mère, lorsqu'elle s'en donne la peine, est un véritable génie ; mais elle préfère ne pas trop exercer son art, demeurer aux yeux de tous une employée modèle, une femme ordinaire. Maud et Lise, les petites-filles, sont, comme leur aïeule, de sacrées magiciennes. Dès leurs premières larmes de sang, signe de leur don, elles ont atteint des sommets en matière de voyance et de métamorphose. Il n'y a que Lucie, la mère, à n'être pas très douée et à se sentir progressivement dépassée. Car elle ne peut infléchir le cours des choses. Son fluide devient aussi pâle que le sang de navet qui coule de ses paupières. Elle ne voit presque plus rien de l'avenir. Sa voisine Isabelle la tyrannise. Pierrot, son mari, la quitte. Sa mère prend un vieil amant ennuyeux et son père devient vaguement escroc. Rien ne va plus chez Lucie la sorcière, perdue dans son lotissement pour cadres moyens, à l'orée d'une ville de province où rien n'arrive que l'ennui.
Avec son goût de l'insolite, son penchant pour la fantaisie, Marie Ndiaye nous promène aux frontières du réel. A coups de notations simples, d'interrogations sans réponses, d'étonnements divers, elle nous fait basculer dans un monde inquiétant, incertain, qui n'est pas tant celui de la sorcellerie que celui de la solitude. Qu'importe qu'elle soit ou non sorcière, cette Lucie qui voit ses filles lui échapper, son mari fonder ailleurs un autre foyer ou ses parents vieillir d'une étrange manière ; c'est sa détresse qui nous touche, sa timidité qui nous émeut. Mais Marie Ndiaye la virtuose ne veut pas jouer le jeu de l'émotion ordinaire, elle casse les pentes trop douces de la compassion, elle brouille les pistes, elle substitue le rire aux larmes. Et comme les plus grands écrivains, elle nous envoûte.
|